le
C8
démocratie
médias
NRJ 12
- Obtenir le lien
- X
- Autres applications
Aujourd’hui installé à la Baule avec Isabelle son épouse, le légendaire navigateur des Pen Duick se cache derrière celle qui se fait appeler “Secrétariat de Monsieur Petipas”. Ne vous y trompez pas, Isabelle est bien plus que cela, elle aussi a vécu auprès des Tabarly, Kersauzon et de son époux, Gérard, leurs aventures parfois rocambolesques.
Agé de 80 et quelques marées d’équinoxe, Gérard est une personne avenante, vive et qui sait expliquer. Comme le sont les sachant le plus souvent. Ses explications commenceront par la navigation commerciale que les Corinthiens prenaient pour commercer avec les hommes du nord. Puis sa vivacité d’esprit l’amènera la seconde suivante à exposer les différences de performances d’une forme de carène entre les eaux de l’Atlantique Nord et celles du Pacifique
“Avant de se déplacer, le navigateur doit savoir où il est. C’est un poste aujourd’hui disparu, car les solutions technologiques existent pour se repérer. C’est une bonne chose pour les concurrents, évidemment. Il nous fallait de nos droites de hauteur, 3 fois par jour avec le soleil, et une fois par nuit avec la lune. Puis nous décidions d’une route ou d’une autre selon la météo, les observations de la mer et du vent. Sur un délicat mélange de factuel et de sensuel. Une fois toutes ces options listées, je les proposais au capitaine, seul maître à bord pour la décision ultime, même après des engueulades !” explique Gérard Petipas pour parler de son métier à bord - notamment - des Pen Duick.
On dit les marins taiseux, Gérard en est l’antithèse, notamment lorsqu’il s’agit de parler de son ami, Eric Tabarly. Les anecdotes ne manquent pas, depuis la capacité la capacité du Nantais à apprendre aux autres jusqu’à sa réaction suite à la perte d’un gouvernail en pleines mers du sud, on comprend vite que l’un n’aurait pas pu aller sans l’autre. Et vice-versa !
Selon Gérard Petipas, “C’est ça le talent naturel de commandant. Savoir rassurer son équipage quoi qu’il arrive.” Ce commandant, c’était Tabarly.
“Un Bon commandant” explique-t-il “est d’abord un psychologue. “Et, contrairement à la légende, Eric adorait les gens. Il savait créer l’équipage qu’il fallait, Kersauson pour rire, un Gérard pour la caisse de bord, Tabarly pour le sport. Une potion magique se crée et fonctionne.”
C’est fortuitement que le Granvillais de naissance rencontre le Nantais, alors qu’il préparait la Cowes-Dinard. “Je naviguais sur un petit 6 mètres et Eric, passionné de tous les bateaux est venu regarder le nôtre. Nous nous sommes vus à ce moment-là. Discussion, rien de plus.” De poursuivre “Nous nous sommes rencontrés sur la course. A son issue, je devais revenir à Granville et n’avais rien au programme. Eric et moi sommes partis, ensemble, pour les Anglo-normandes. Chausey, les Ecréhous, les Minquiers. Un véritable champ de mines, que j’ai aimé aborder. Eric s’en est aperçu. Notre relation était née.”
La pudeur de l’homme pointe quand il ajoute “L’amitié allait naître, au fur et à mesure du temps.”
Gérard Petipas n’est pas “que” le navigateur de Tabarly. A son tableau de chasse, on peut accrocher l’invention de la Transat Jacques Vabre - créée en 83 en tant que Route du Café à la demande du sponsor de l’évènement.
Aujourd’hui disparue, la course de l’Europe - nous sommes en 85 et il contacte Jacques Delors (président de la Commission) avec Eric pour lui proposer une course qui relierait, par de brèves étapes, des villes importantes de la CEE”.
Etrillé par les éditorialistes - Jean-Michel Barrault écrira dans le Figaro “On va assister à une aimable tournée des plages”, Gérard explique le succès de cette course “Dans toutes les escales, nous avions la visite de chefs d'État ou de gouvernements. Nous avons eu Mitterrand, Rocard, le roi d’Espagne, celui de Belgique pour n’en citer que quelques-uns.” La dernière édition de la course européenne s’est tenue en 1999.
Pour n’en citer que deux.
En 2005, Gérard a cédé toutes ses parts dans la société Pen Duick. Son activité de voile n’est plus que familiale et ludique mais, comme il le dit “Je conserve quelques titres honorifiques, mais je n’ai plus l’énergie nécessaire pour faire tout ce que je faisais. Et il faut savoir laisser la place à des plus jeunes et plus créatifs aussi. S’accrocher à un fauteuil n’est bon ni pour le fauteuil ni pour celui qui est dessus.”
Prendre du recul ne signifie pas raccrocher son ciré pour autant. Gérard ne peut demeurer inactif. “Je vais essayer de rester en état, de profiter de mes petits-enfants. Je vais continuer de profiter de la vie, de la mer et des bateaux. Je vais fréquemment sur l’eau, mais uniquement en croisière et en famille. Nous abordons généralement la Turquie ou les Antilles, selon nos humeurs ou nos envies. Le bateau est l’endroit idéal pour voir grandir sa famille. Enfants, petits enfants, tout le monde est à bord et, inévitablement, la tension se desserre. Les gamins sont à portée de vue, il n’y a pas besoin d’autorité pour s’assurer qu’ils ne fassent rien de mal.”
Chose surprenante, le navigateur ne possède aucun bateau. “Je n’ai jamais fait qu’utiliser les bateaux des autres, ce sont bien moins de contraintes” justifie-t-il, l’œil narquois.
Devenu solitaire en juin 1998, Gérard a un inévitable pincement au cœur quand il parle de sa nouvelle navigation “À mon âge, il y a des choses qu’on sait mais qu’on ne peut plus faire. C’est frustrant. Alors je me mets à la barre et j’ordonne. J’y prends énormément de plaisir aussi.”
De toute sa carrière de navigateur ami, Gérard a un bateau coup de cœur, c’est Pen Duick III. “C’est celui qui était le plus équilibré et le meilleur compromis. C’est le seul qui ait été dessiné par Eric, il portait sa griffe et sa marque. Nous avons fait 7 courses la première année et les avons toutes remportées. Sur un bateau,l’équipage ne fait pas tout. Pen Duick III est un bateau à taille humaine, gréable et manœuvrable avec un équipage réduit. C’est aussi le plus beau de la série. Lorsqu’il est revenu dans l’association, je l’ai fait regréer en goélette. Il a retrouvé son âme, celle d’Eric. Il est splendide tel qu’il était.” Jamais ne saurons-nous si Gérard parle d’Eric ou du bateau alors.
Question interdite..
Commentaires
Enregistrer un commentaire